Mike & Fabien Kourtzer
© Stefan Bourson
À propos de Mike & Fabien Kourtzer
Frères de sang, frères de son : Fabien Kourtzer et Mike Kourtzer, alias White & Spirit, sont un team de producteurs dont le terrain de jeu s’étend bien au-delà du hip-hop, le genre qui a marqué leur apparition sur la scène musicale.
Le duo découvre très jeune le pouvoir de la musique grâce aux disques de rap US qu’un cousin leur ramène de New-York. À 12 ans, fascinés par les acrobaties musicales des DJs, Fabien et Mike achètent des platines et se lancent dans la production. Autodidactes, ils apprennent sur le tas, comme le font les vrais passionnés. Les frères passent aux choses sérieuses et achètent un magnéto Revox avec leurs économies. Fabien : « On a commencé à faire des montages. Pendant que nos potes étaient en boite, on passait nos nuits à ça ». À 16 ans, Mike se retrouve en compétition au championnat de France des DJs et finit troisième derrière Jimmy Jay, l’homme de mains de MC Solaar. Déception. Six mois plus tard, il obtient la victoire. Ne jamais abandonner, toujours aller plus loin.
Le duo déménage à Meaux en 1994 et trouve son nom : White & Spirit. « Parce qu’on décape. Ça vient de là ». Les frères rencontrent Tefa, fameux producteur hip-hop qui leur présente les 2Bal, un duo de jumeaux aussi talentueux que turbulent. C’est également à Meaux que Fabien et Mike vont faire la rencontre qui va changer leur vie et les propulser dans le monde obscur du cinéma. « Un voisin du bâtiment d’en face a entendu ce qu’on faisait, il est venu frapper à notre porte en juillet 1994, il voulait venir écouter. Il passait souvent avec des potes, et un jour il amène un mec avec une casquette Lacoste. Au bout de 3 mois le gars me dit “Voilà, j’ai joué mon RMI au casino, et avec cet argent j’ai fait un premier film qui s’appelle État Des Lieux. J’aimerais que vous fassiez la musique de mon prochain”. C’était Jean-François Richet ».
Les pérégrinations de Richet avec ses nouveaux complices dans le monde de la production cinématographique mériteraient un livre à elles seules. La rencontre de deux mondes a donc lieu pendant la conception de Ma 6T va crack-er, dont la sortie en 1997 sera un choc culturel pour beaucoup de critiques cinéma. Et un choc musical pour tous ceux qui découvrent le travail de White & Spirit, investis à 200% dans une BO qui invite la légende old school new-yorkaise KRS-One aux côtés de la nouvelle scène du rap français. Entretemps, l’album des 2Bal est certifié disque d’or et la BO de Ma 6T va crack-er platine. Cercle Rouge, la structure créée par W&S et Jean-François Richet, produit quelques projets emblématiques du hip-hop tels que 11’30 Contre Les Lois Racistes, 16’30 Contre La Censure.
L’histoire d’amour entre les deux frères et la musique cinématographique ne fait que commencer. Après avoir construit leur propre studio afin d’avoir leur autonomie sonore, ils sont contactés en 2000 par Steve Suissa qui réalise son second long-métrage, L’Envol. Fabien : « On était fans de cinéma et on s’est dit que ça serait bien de faire des BO de films. Toute notre histoire est dans la BO de L’Envol : au départ on nous appelle pour faire des scratches et rendre des scènes plus “djeunz”. On arrive, on scratche, le réalisateur me demande si on ne peut pas faire un rythme. Je le fais. Il nous demande de jouer deux trois trucs, puis de faire toute les musiques. Ça s’est vraiment passé comme ça ». Mike : « Et on a fait les musiques en un temps record ».
Les frangins n’abandonnent pas le rap et signent en 2008 un autre classique, l’album des musiques inspirées de L’instinct de mort / L’ennemi public n°1, le diptyque de JF Richet sur le gangster Jacques Mesrine, avec la crème des artistes du genre (Kery James, Seth Gueko, Akhenaton, Oxmo Puccino, Lino, etc).
Sur grand écran, ils travaillent à plusieurs reprises avec leur réalisateur fétiche Arnaud Desplechin, en 2004 sur Rois et reines, en 2008 sur Un conte de noël, en 2013 sur Jimmy P, en 2015 sur Trois souvenirs de ma jeunesse et en 2017 sur Les fantômes d’Ismaël. Un autre poids lourd du cinéma français utilise leurs sons : Jacques Audiard, qui a collaboré avec White & Spirit pour trois BO, De battre mon cœur s’est arrêté en 2006, Un prophète en 2009 et De rouille et d’os en 2013.
Fabien : « Ce qu’on a compris dès le départ avec JF Richet, c’est qu’un film, c’est la personne qui le fait. Donc pour comprendre un film, il faut comprendre son réalisateur. Voilà pourquoi pour chaque film, on travaille de façon différente. Nous, on marche au système D. Quand on a besoin de quarante violons mais qu’on ne les a pas, on se débrouille pour qu’on ait l’impression de les entendre. Et comme on vient du hip-hop, on a la culture du sample. Du coup, on a une vraie culture musicale, une compréhension des autres musiques ».
Depuis, White & Spirit sont sur tous les fronts : après Corporate de Nicolas Silhol, ils ont travaillé avec Faouzi Bensaïdi pour Volubilis, Mohamed Jabarah Al Daradji pour The Journey, Cyril Brody & Olivier Peyon pour Latifa, Le cœur au combat et Tonie Marshall pour Numéro une, avec Emmanuelle Devos et Benjamin Biolay, film pour lequel ils réalisent l’intégralité des musiques.
En 2018 ils signent le score du prochain film de Fred Grivois L’intervention - film d’action où la musique prend une place majeur, orchestrale, grandiose !
Mike : « On dit parfois que la musique de film ne s’entend pas. Mais moi, quand j’en fais, j’ai envie que ça s’entende à fond ! Un film, c’est de la musique et de l’image, sauf pour un film muet et encore, même là il y a de la musique. Avec du mauvais son, un film est à moitié mort ».
White & Spirit, avec une trentaine de longs-métrages à leur actif, gardent la passion de leurs débuts et y ajoutent la précision que leur apporte l’expérience.
- Biographie par Olivier Cachin -